🌍 Le Total Portfolio Approach : une nouvelle manière de piloter les portefeuilles dans un monde plus instable
Nous explorons ce mois-ci, les travaux de Redouane Elkamhi et Jacky S. H. Lee, qui ont écrit un papier intitulé Total Portfolio Approach, publié dans The Journal of Portfolio Management Portfolio Manager Perspectives 2025, 51 ( 8) 109 - 127.
Le cadre habituel : l’Allocation Stratégique
Pendant des années, les investisseurs institutionnels ont organisé leurs portefeuilles selon un cadre solide et rassurant : la Strategic Asset Allocation, ou SAA. Cette méthode consiste à définir à l’avance la part d’actions, d’obligations, d’immobilier ou d’actifs privés, puis à rééquilibrer régulièrement le portefeuille pour revenir à ces proportions. Dans un monde relativement stable, ce modèle fonctionne très bien : les marchés évoluent de manière prévisible, les régimes économiques changent lentement, et les actifs peuvent être vendus ou achetés facilement pour remettre le portefeuille en ligne.
Un changement de paradigme : le monde évolue plus vite
Mais les auteurs du papier, Elkamhi et Lee, montrent que ce monde n’existe plus vraiment. Les secousses des dernières décennies — crise financière, pandémie, inflation inattendue, tensions géopolitiques — ont bouleversé les relations entre classes d’actifs. Les obligations n’offrent plus toujours de protection lorsque les actions chutent. Les primes de risque se modifient plus rapidement que par le passé. Les actifs privés, devenus massifs dans les portefeuilles institutionnels, ne se rééquilibrent ni facilement ni rapidement. En d’autres termes, les hypothèses qui faisaient fonctionner la SAA se fragilisent. Les investisseurs sont parfois coincés : incapables de rééquilibrer, ou forcés d’agir dans un environnement qui ne ressemble pas du tout aux modèles historiques sur lesquels leur stratégie était construite.
C’est justement dans cette zone de turbulence que naît le Total Portfolio Approach, ou TPA. Contrairement à la SAA, le TPA ne se définit pas par des règles fixes, mais par une manière différente d’aborder la gestion du portefeuille. Le principe fondamental est de considérer le portefeuille comme un ensemble unique, un véritable bilan sur lequel chaque décision a un impact global. Plutôt que de se demander si un investissement convient à une « case » — actions, obligations, immobilier — on se demande comment cet investissement modifie l’équilibre total : le risque du fonds, sa liquidité, sa capacité à faire face à un choc ou à une opportunité future, et sa cohérence avec les conditions économiques du moment.
Cette approche n’est pas née d’un laboratoire académique, mais des pratiques évolutives de plusieurs institutions confrontées à un monde plus imprévisible. Les portefeuilles sont devenus trop complexes pour être gérés comme une succession de compartiments indépendants. Les régimes économiques se succèdent trop vite pour qu’un seul ensemble de prévisions à long terme puisse fournir une boussole fiable. Les outils de modélisation, auparavant insuffisants, se sont considérablement améliorés : les investisseurs disposent aujourd’hui de modèles factoriels sophistiqués, de simulateurs de liquidité, d’analyses permettant d’intégrer publics et privés dans une même vision, ou encore de techniques permettant d’évaluer l’impact marginal d’un actif sur le reste du portefeuille.
Une approche plus flexible et réactive
Dans cet environnement, la SAA apparaît comme un cadre rigide conçu pour un autre temps, tandis que le TPA cherche à refléter la réalité actuelle : un monde où la flexibilité, l’adaptabilité et la cohérence globale deviennent indispensables. Adopter le TPA, ce n’est pas rééquilibrer son portefeuille tous les jours ou tout bouleverser au moindre signal. C’est plutôt accepter que la bonne décision dépend fortement du contexte, des contraintes et de la capacité future à agir. Cela implique une gouvernance différente, qui ne dicte plus des poids fixes mais définit des limites de risque, de liquidité ou d’exposition macroéconomique dans lesquelles les équipes ont le droit de s’ajuster. Cela implique aussi une culture interne qui valorise la performance du portefeuille total plutôt que celle de chaque équipe prise isolément. Et cela nécessite enfin des outils capables de représenter la complexité du réel, sans la simplifier abusivement.
En conclusion
Elkamhi et Lee montrent que le TPA est avant tout une discipline intellectuelle avant d’être une technique. Il s’agit de passer d’une logique statique — maintenir coûte que coûte un plan prédéfini — à une logique dynamique : surveiller en permanence l’environnement, comprendre comment chaque pièce du portefeuille interagit avec les autres, et préserver la flexibilité nécessaire pour répondre aux situations extrêmes. Le TPA n’est pas une renonciation à la rigueur, mais la mise en place d’une rigueur plus adaptée au monde actuel.
L’idée essentielle est la suivante : dans une mer calme, un cap fixé à l’avance suffit. Dans une mer agitée, ce qui importe n’est pas d’avoir un cap immuable, mais de savoir ajuster la voilure, changer légèrement de direction, ou ralentir au bon moment pour éviter la tempête.
C’est la raison pour laquelle chez IAM, nous abordons une approche similaire. Cela nous permet d’intégrer la complexité, de faire face à l’incertitude et de toujours rester cohérents face à vos projets. Nous le voyons comme une évolution nécessaire et indispensable à la bonne gestion de vos actifs financiers mais surtout, à la réalisation de vos projets.